Le jeune homme et sa chèvre
Auteure : Corine Demany
Le jeune homme regarde son champ avec tristesse. Le blé qu’il a semé n’est pas encore sorti de terre. Pourquoi le sort s’acharne-t-il ?
« Nous sommes de bien pauvres gens ! » pense-t-il.
Le soleil brûlant semble le narguer en lui disant :
« Il fait chaud, non ? »
Cela fait bientôt un mois qu’il n’a pas plu. Malgré ses prières, le sol reste sec et il souffre en silence.
Sa femme, qu’il adore, est fatiguée. Elle porte leur enfant qui doit bientôt naître et ils sont très pauvres. Ils possèdent juste une chèvre, brave animal de quatre ans, nommé Blanchette, qu’ils chérissent comme leur fille.
Tous les matins, la petite offre son lait et joue affectueusement avec le pan de chemise usée de son maître. Pourtant, il faudra bien se résigner : pour nourrir sa famille, il devra la sacrifier.
« Demain matin, j’agirai. C’est comme ça malheureusement » !
La nuit est longue. Le jeune homme parlemente encore avec sa femme au sujet de Blanchette, pèse le pour et le contre, puis, finalement, le couple s’endort.
L’aube pointe vite le bout de son nez. Le jeune homme embrasse sa femme, caresse son ventre rond, puis se lève. Il se dirige ensuite vers l’étable de sa chèvre afin de lui tirer une dernière fois son lait délicieux. Il dissimule, sous sa chemise, un grand couteau de cuisine bien aiguisé. Mais il n’a pas le cœur à l’ouvrage. « Je vais l’entraîner dans le champ, se dit-il, au grand air ce sera bien plus facile… »
Il passe une corde autour de son cou : « Allez viens, Blanchette, suis-moi… »
La chèvre est toute heureuse de pouvoir se dégourdir les pattes. Après quelques minutes, ils sont arrivés. Le soleil trace sa route dans le ciel orangé.
« Courage, dit-il en brandissant le couteau devant les yeux de Blanchette stupéfaite. Hélas, je dois te tuer ! Pardonne-moi ».
La chèvre est tout affolée et se sent trahie par celui qu’elle aime. Mais elle ne peut rien faire. Elle regarde son maître avec de grands yeux tristes qui semblent lui dire : « Ne me tue pas ! »
C’est alors qu’elle se met à pleurer des torrents de larmes. Le jeune homme pense un instant qu’il rêve, que les chèvres ne peuvent pas pleurer. Il en laisse tomber le couteau à ses pieds. Les larmes coulent, coulent, et la chèvre sanglote :
« Bêê bêê bêê bêê ! »
En un instant, le sol du champ se gorge d’eau et le blé se met à sortir de terre et à grandir à vue d’œil. Il doit s’asseoir tant cela lui paraît irréel. Il crie pour que sa femme entende :
« Viens voir, viens vite voir : »
Alertée par ses cris, elle accourt. Lorsqu’elle arrive, le blé est si haut qu’il en donne le vertige. Des épis magnifiques se balancent sur leurs tiges et semblent danser. L’homme raconte alors à sa femme ce qui s’est passé. C’est merveilleux ! Ils vont pouvoir tirer un excellent prix de la récolte et manger à leur faim.
La petite chèvre est encore sous le choc, mais ils lui montrent tellement d’amour et de gratitude en l’embrassant qu’elle oublie tout, très vite…
Depuis ce jour, elle vit désormais dans leur humble demeure.
Tous les matins, elle offre son lait au petit d’homme et, telle une enfant, elle joue malicieusement avec son jouet préféré…
Fin